Alpine A310 Monté-Carlo 1975 Jean-Luc Thérier

Ma passion des autos anciennes et du sport auto

 

Interviews

Au salon champenois Reims

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Rallye du Portugal 1973 : une première au pays du Fado (Echappement n° 33 de mai 2013)

La saison 1973 a bien débuté pour moi avec une 5ème place au scratch au Monté-Carlo et une 3ème historique au rallye de Suède. Après le goudron, le verglas et la neige, place à la terre du rallye du Portugal. Rallye mixte en vérité, mais avec une grande majorité de spéciales disputées sur cette surface où nos Alpine n’ont plus à faire leur preuve. La course s’annonce difficile. Certes le rallye comporte un peu plus de 387 kms chronométrés, ce qui peut paraître peu, mais le parcours routier d’un peu plus de 1.700 kms n’en est pas moins délicat. La première spéciale sur terre de Viseu sert de prologue, définissant l’ordre de départ. Avec nos berlinettes, les membres de l’équipe Alpine et moi-même prenont tout de suite les choses en main. Je réalise le 4ème meilleur temps derrière Bernard Darniche, Jean-Pierre Nicolas et Achim Warmbold (BMW 2002). Cette position de départ me convient très bien, dans la mesure où je peux bénéficier des temps de mes camarades de jeu (au point stop car à l’époque nous n’avons pas encore de partiels dans les autos et nous nous en plaignons pas …).

La seconde étape compte 4 spéciales mais celle-ci commence sur les chapeaux de roue avec un parcours de liaison très délicat nous menant à Lisbonne. Les pénalités pleuvent (pourtant il fait beau !) et nous prenons tous deux minutes de pénalisations (sauf Bochnicek et sa DS qui en récoltent le double !). Bref, de ce côté là pas de jaloux : match nul ! Fort heureusement, le sport reprend ses droits et je suis prêt à en découdre. Déterminé, j’accroche les deux premiers temps scratch. Cela me permet de monter en 2ème position au détriment de mon équipier Jean-Pierre Nicolas (vainqueur ici même en 1971). Installé en tête, Bernard Darniche réplique à mon attaque, mais je reste dans son aspiration, puisque ne comptant que 8 secondes de retard au terme de l’étape. Même si Jean-Pierre se voit passer par Achim Warmbold, nos berlinettes dominent et cela me ravit, bien entendu.

La 3ème étape est plus corsée : 8 secondes, c’est très peu à reprendre, et je suis motivé pour livrer bataille. Nos Alpine sont solides et je compte bien sur cette fiabilité pour me donner à fond. Bien entendu, en tête, Bernard est prêt à se défendre. Je lui concède un peu de temps dans les premiers kilomètres, avant de lui « causer » ensuite, bien qu’étant en délicatesse avec mes freins. Le leader connait à son tour quelques soucis et, à l’attaque, le m’empare du commandement pour une poignée de secondes, alors que Jean-Pierre Nicolas place notre troisième A110 sur le podium provisoire. Cocorico, pourrait-on dire ! Bien que m’appliquant au maximum, je ne peux résister (comme les autres) à la détermination de Bernard dans l’ES de Marao, qui récidive dans la suivante. Je ne suis pas déçu pour autant car l’occupe solidement la 2ème place. Position de couverture qui me va très bien car vous le savez, pour moi, le principal est qu’une Alpine gagne ! Je passe toujours l’intérêt de l’équipe avec le mien. La première voiture marquant des points au championnat, ma deuxième place est importante, si malheureusement, il arrivait quelque chose à l’A110 de tête. Même si l’ultime « round » s’annonce difficile, je me vois terminer sur la 2ème place du podium. Cependant, je suis décidé à tenter ma chance, tout en gardant une marge de sécurité. A ma grande joie, le triomphe d’Alpine se dessine. Qui plus est, Jean-Pierre Nicolas pointe au 3ème rang ce qui ferait un second triplé après le Monté-Carlo. Hélas, l’une de nos voitures va être frappée par le sort. En l’occurence celle de Bernard Darniche ! Victime d’une crevaison, il décide de continuer mais son autobloquant le lâche, provoquant son abandon. Preuve est faite que ma deuxième place est très importante. Avec Jean-Pierre en couverture, je peux rouler à ma guise, tout en ménageant la voiture et tout faire pour éviter une crevaison. Bien que nous ayons perdu une auto sur rupture mécanique, nous montrons à la concurrence la fiabilité de nos flèches bleues dieppoises. Cela se vérifie encore plus en fin de course. Au contraire de nos concurrents qui connaissent galères et abandons, Jean-Pierre et moi ne rencontrons aucun problème. Les derniers kilomètres me paraissent longs et je ne suis pas mécontent de voir le podium final.

Ce rallye du Portugal est donc ma première victoire de la saison, ainsi que mon premier succès en Championnat du monde des rallyes. Je suis bien entendu très heureux personnellement, mais surtout pour Alpine qui creuse encore plus l’écart sur ses redoutables rivaux au classement du championnat « constructeur ». Bref la belle aventure de ce premier mondial des rallyes s’annonce victorieuse pour Jean Rédélé, Jacques Chenisse et toute l’équipe de copains qui nous fait une assistance remarquable …

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Rallye de Suède 1979 : glaçante déception (Echappement n° 32)

Après le Monté-Carlo en Golf GTI, j’enchaîne avec le rallye de Suède, que je dispute avec la Toyota Célica 2000 GT officielle du Toyota Team Europe. Depuis ma 3ème place en 1973 avec l’Alpine, les  Scandinaves m’attendent toujours au tournant dans « leur » rallye. Contraint à l’abandon en 1978, j’espère bien prendre ma revanche et « embistrouiller » mes amis nordiques …

Tout le monde sait que je ne suis pas un fan des reconnaissances. Comme d’habitude, je me contente de vérifier et de corriger mes notes de l’année précédente, en tenant compte de l’enneigement qui, bien entendu, peut s’avérer différent. Mauvaise surprise en prenant connaissance de l’itinéraire : pas une spéciale identique ! Avec Michel Vial, nous avons cinq jours pour bien travailler. Entorse à la règle, je décide de passer trois fois dans chaque chrono. Mais un incident va me contraindre de n’en faire qu’un seul lors d’une épreuve spéciale de nuit. En effet, derrière un dos d’âne, je tombe nez à nez avec la Toyota arrêtée de mon équipier suédois Leif Asterhag, celui-ci corrigeant ses notes ! Le choc est inévitable, et nos deux beaux coupés japonais sont fortement endommagés. Toutefois, nous pouvons reprendre la route mais décidons par prudence et sécurité (n’ayant plus de phares !) de rentrer à l’hôtel.

Juste avant la course, une séance d’essais de pneumatiques est organisée pour étudier notamment le choix de cloutage à adopter. D’utant plus important cette année du fait qu’il n’a pas neigé depuis un mois et que le passage des voitures a creusé la glace, formant des rails de terre gelée. Précisons que notre Toyota est équipée de Pirelli, contrairement à nos concurrents directs qui sont chaussés de Michelin. Concernant le cloutage autorisé, il est le même que celui en vigueur au Monté-Carlo avec une longueur de clou maximum de 9 mm.

Place à la course. Que le show commence ! Je l’avoue, je ne suis pas mécontent de mon début de course. Mon niveau de performance me permet de jouer aux avant-postes. Seule la spéciale sur le lac gelée est décevante, en raison de nos pneumatiques. J’ai la pêche et je suis vraiment heureux. Contrairement à Björn Waldegarde qui perd 5′ dans une sortie de route, Hannu Mikkola qui accumule les tête-à-queue, Markku Alen en délicatesse avec ses pneus et son moteur, et Per Elklund qui se bat comme un forcené avec une Saab délicate à piloter, je ne connais aucun problème. Enfin me direz vous ! Le sourire et la satisfaction sont de mise et l’espoir que la poisse m’abandonne aussi. J’occupe alors la 4ème place du classement général provisoire. Inutile de vous décrire la tête de mes amis scandinaves (sourire) !

J’envisage le suite de l’épreuve avec sérénité, espérant bien confirmer mon début de course. Je pars à l’attaque, mais le chat noir se trouve toujours dans ma Célica. Mon moteur, pourtant exceptionnel, donne des signes de faiblesse, se mettant régulièrement sur 3 cylindres. Diagnostics des mécaniciens : casse d’une pipe d’admission. En un temps record de vingt minutes, l’assistance change celle-ci et nous pouvons pointer dans la minute, évitant d’éventuelles pénalisations routières. Avec Michel, nous espérons pouvoir repartir à l’attaque, mais nous constatons que notre moteur ratatouille toujours. Au point d’assistance, on nous change les bougies mais nous ne disposons que de très peu de temps. Opération effectuée, nous n’avons que 7′ pour pointer 7 kms plus loin au contrôle horaire. Cela est réalisable en attaquant un peu.

Un fait malheureux et incorrect, hélas, va ruiner notre course. Je rattrape la Datsun de John Haugland, qui a encore du temps puisque prenant le départ 4′ derrière nous. J’allume mes phares pour lui indiquer que je suis dans ses rétroviseurs et que je veux le doubler. Sa sportivité n’est pas à souligner. Après avoir été bloqué durant un bon kilomètre, j’arrive tant bien que mal à me porter à sa hauteur pour le passer. Stupeur, il se rabat vers le milieu de la route et m’envoie directement dans le décor ! En colère, je me dis que je vais écoper de pénalités, le temps de remettre l’auto sur la route. Une vingtaine de personne est nécessaire pour me sortir de cette fâcheuse situation. Autant dire que ça bouillonne sérieusement dans mon cerveau ! Tout en guettant les radars, j’attaque au maximum pour arriver le plus vite possible au CH. Malgré cela, la sanction est lourde : 6′ de pénalisation ! Les conséquences sont importantes puisque je rétrograde au 9ème rang du scratch. Pour autant, ma motivation est quand même intacte, et Michel Vial a intérêt à assurer et à bien se tenir dans son baquet pour la suite des évènements !

Du fait de ma pénalités, je me retrouve derrière des concurrents moins rapides, avec le handicap d’avoir à les doubler. Cela est d’autant plus difficile du fait de l’épais nuage de poussière de neige projeté par les clous, rendant la vision quasi nulle ! Bref, il faut bien être inspiré et jouer au « pifomètre ». Hélas, comme on pouvait le craindre, ces inconvénients non négligeables me portent un sérieux préjudices. Déchaîné, je rattrape un concurrent mais me trouve dans l’impossibilité de la doubler, aveuglé par ce maudit brouillard de neige. Enervé, j’entame une tentative de dépassement dans une ligne droite suivie d’un T à droite. Malheureusement dans la zone de freinage la voiture quitte les rails et je ne peux éviter qu’elle aille s’enfoncer dans un mur de neige. Trois heures sont nécessaires pour la dégager ! Bien entendu, nous devons abandonner, la mort dans l’âme.

La déception est immense car les performances pouvaient me laisser espérer un second podium en Suède. L’histoire fait que ce sera ma dernière participation à ce fabuleux rallye, où j’ai toujours pris beaucoup de plaisir.

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Tour de Corse 1967-1983 (Echappement n° 31)

1967 : faute de pneus …

Mon premier Tour de Corse sera malheureusement de courte durée. Associé à mon ami Christian Coeuille, pilote émérite, je pars avec la R8 Gordini qui vient d’être homologué en Groupe 1 (le Groupe N de l’époque). Première spéciale : cela marche vraiment bien, mais au bout de 25 kms, un pneu éclate. Après un changement de roue, la même mésaventure survient au bout de quelques kilomètres seulement. Je réussi à arriver dans un petit village et je cherche une R8. Par chance, j’en trouve une et me procure la roue de secours, qui est un Michelin X. Celui-ci n’a pas beaucoup le temps de vivre et explose ! Je ne peux éviter la sortie de route, hélas, en percutant le parapet d’un pont. L’abandon est inévitable et la déception vive comme vous pouvez vous en douter.

1968 : mauvais couple

Nouvelle participation avec la R8 Gordini, mais officielle cette fois-ci. Comme l’an passé, je prends un ami comme copilote, en l’occurence Michel Dumont, marchand agricole de mon village. La satisfaction est grande puisque j’ai l’honneur de dominer le Groupe 1. Malheureusement, une nouvelle fois le sort frappe et nous sommes de nouveau contraints à l’abandon, en raison de la casse du couple conique. J’espère alors que le fameux diction « jamais deux sans trois » ne se vérifiera pas l’année suivante.

1969 : première avec l’A110 et premier top 5

Pour l’édition 1969, Alpine me confie une A110, une 1440. La bagarre est vive contre les Porsche, Lancia Fulvia et autre Ford Capri. Secondé par Marcel Callewaert, je suis dans le coup, notamment par rapport à mes équipiers Pierre Orsini et Jean-Pierre Nicolas. Alors que je peux espérer jouer un rôle pour un éventuel podium, Alpine me demande d’assurer et de ramener l’auto à bon port. Finalement, je franchis le podium d’arrivée au 5ème rang absolu derrière Jean-Pierre Nicolas. Même si j’aurais aimé défendre mes chances, je suis heureux de voir le drapeau à damiers et de décrocher un top 5 pour une première avec la berlinette.

1972 : nouveau top 5

Cette année-là, je pilote une A110 1800, assisté par Claude Roure. Tout se passe bien et je peux espérer réaliser un aussi bon résultat qu’en 1969. Disposant d’une A110 Groupe 5 (dernière participation des protos en Corse), Jean-Claude Andruet domine, je dirais logiquement. Les Groupe 5 sont doublement à l’honneur avec Bernard Fiorentino sur sa Simca CG, qui finira 2ème au général. Hélas, un train avant faussé m’empêche de m’exprimer pleinement, et j’obtiens une nouvelle 5ème place.

1973 : podium et titre de champion de France

Ce Tour de Corse est particulièrement historique. La crise pétrolière a éclaté et le sport auto est interdit en France. Par bonheur, les organisateurs réussissent, avec le concours de la FFSA et de son président Jean-Marie Balestre, à sauver leur épreuve. Retardé d’un mois, le rallye se déroule dans des conditions climatiques très délicates, la neige s’invitant à la surprise générale. Mon but est d’être sur le podium car cela me permettrait de devenir champion de France des rallyes face à mon équipier et ami Jean-Pierre Nicolas, même en cas de victoire de celui-ci. Tout de suite Jean-Pierre occupe les avant-postes et se positionne en sérieux prétendant au succès. Je connais différentes mésaventures : crevaison, câble d’accélérateur et surtout une pénalités de 5 minutes à Aullène, où l’assistance a malheureusement été un peu débordée, les A110 arrivant quasiment en même temps. Pointant hors du podium, je pars à l’attaque pour passer l’Escort de Guy Chasseuil. Objectif atteint ! Je prends le meilleur sur la Ford et franchis le drapeau à damiers au 3ème rang. J’ai la joie d’être champion de France des rallyes 1973 et d’offrir à Alpine un triplé historique, lui permettant de fêter dignement le titre mondial des marques. Honnêtement, il était très difficile de lutter contre Jean-Pierre Nicolas qui l’emporte devant Jean-François Piot. J’étais heureux pour « Jumbo » car c’était le seul des « mousquetaires » à ne pas avoir remporté un rallye durant cette inoubliable campagne 73.

1974 et 1975 : premier podium mondial de l’A310

Contrairement à Jean-Pierre Nicolas, Jean-Pierre Mangazol et Gérard Larousse, je me vois confier la nouvelle A310 4 cylindres. Tout se passe bien, même si je suis confronté à une voiture au comportement très délicat, surtout sur le mouillé. Mais l’essentiel est là, j’amène l’Alpine à l’arrivée, lui offrant son premier podium en Championnat du monde des rallyes, entre les Berlinette de Jean-Pierre Nicolas et de Jean-Pierre Mangazol. Pour 1975, la réussite n’est pas au rendez-vous puisque je suis victime d’une sortie de route en début de course. A oublier.

1977 : dans le team Bob Neyret !

L’édition 1977 est un peu particulière pour moi. En effet, je vais faire partie d’une équipe uniquement composée d’équipages féminins ! Créé par l’emblématique Robert Neyret (« Bob » pour ses nombreux amis), le Team Aseptogyl ne compte que de talentueuses et charmantes pilotes. Pour l’occasion, je me retrouve au volant d’une Toyota Celica Groupe 1. Le but est d’embêter la référence, Jean-Louis Clarr, aux commandes de son Opel. Malheureusement, la mécanique en décide autrement et la bagarre n’aura pas lieu. Regret !

1978 : une édition … sabotée

J’ai déjà eu l’occasion de coter ce détail, disputée au volant de la Triumph TR7 V8. Tony Pond, mon équipier au sein de l’équipe officielle, et moi-même, avons perdu le bouchon de niveau d’huile de nos boîtes de vitesses sur le routier, après le départ de Bastia, ce qui a entraîné notre abandon dans la première spéciale … J’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’un acte de malveillance, survenu dans un contexte conflictuel avec Jean-Marie Balestre, alors président de la FFSA et de la FIA.

1980 : la victoire, enfin !

Après avoir été remercié pat le Toyota Team Europe, je trouve refuge au sein de l’équipe passionnée des frères Alméras. Je dispose d’une Porsche 911 SC 3 litres que je découvre totalement en course. La météo est plus que délicate et même dantesque (pluie et vent). Cela commence mal, puisque je suis victime d’une fuite d’essence qui m’oblige à rouler la vitre ouverte. Problème résolu, avec Michel Vial, nous pouvons nous exprimer et avons la surprise de lutter pour le podium. Je ne retrouve 2ème ex aequo avec la Fiat 131 Abarth de Bernard Darniche, derrière Jeannot Ragnotti et la nouvelle R5 Turbo. Tout bascule d’un coup. Un arbre au milieu de la route … Bloqués, il faut attendre que nous soyons cinq équipages pour le dégager. S’amorce alors une sacrée course poursuite dont les spectateurs de l’époque doivent encore se souvenir. Jeannot à l’attaque, avec ma Porsche dans le pare-chocs, doit s’arrêter, la mécanique de la R5 Turbo ayant décidé de faire des siennes ! Je suis loin de me douter ce qu’il se produire derrière. Une empoigne de première se déroule entre Bernard Darniche et Guy Fréquelin (Talbot Lotus). Le premier qui ne veut pas laisser passer le second : résultat ? Hé oui, les deux autos dans le trou ! Bonjour l’explication à la sortie des voitures … Par la suite, la neige s’invite au spectacle, mais cela ne me trouble pas outre mesure. Je contrôle ma course et rentre à Ajaccio en vainqueur devant le nouveau champion du monde Walter Röhrl et sa 131 Abarth. Inutile de vous décrire ma joie ! Après 6 ans de déboires, enfin, je remporte de nouveau une épreuve du Championnat du monde des rallyes ! L’histoire fait que ce sera mon ultime succès à ce niveau, ainsi que pour Porsche. Ceux-ci furent donc doublement arrosés par dame nature … et la champagne !

1981 : grande déception

Après mon succès de 1980, je dispute la saison 1981 avec les frères Alméras qui sont vraiment fantastiques. J’ai bien l’intention de renouvelé mon succès de l’an passé. La bagarre fait rage avec, entre autres, la Lancia Stratos de Bernard Darniche. Nous sommes tous les deux victimes de crevaisons. J’arrive à prendre l’avantage à coup de temps scratch. J’augmente petit à petit mon avance lorsque je crève à nouveau. Je change la roue, mais comble de malchance, je connais une seconde fois la même mésaventure. Ne disposant plus de roue de secours, je suis obligé d’attendre mon équipier François Vincent. Hélas, celui-ci n’arrivera jamais, étant sorti de route peu de temps avant. La mort dans l’âme, je dois abandonner. Plus que dommage car je la sentais bien cette deuxième victoire consécutive avec cette fabuleuse Porsche. Il est à noter que je pilotais la plus puissante Porsche 911 engagée jusque-là en Championnat du monde des rallyes. Elle développait 340 chevaux pour 1.080 kg !

1982 et 1983 : pas de réussite

Deux éditions courues avec la R5 Turbo de Renault Chartres. En 1982, je suis totalement dans le coup. La concurrence est rude et la bagarre fait rage. Si devant, Jeannot Ragnotti (R5 Turbo) et Jean-Claude Andruet (Ferrari 308 GTB) sont intouchables pour la victoire, c’est très serré en revanche pour le 3ème place. Je suis alors en lutte avec l’Opel Ascona 400 de Walter Rhörl et la Porsche 911 SC de Bernard Béguin. J’étais bien décidé à vaincre. Malheureusement, le moteur en décide autrement, provoquant mon abandon. Concernant 1983, je savais avant le départ qu’il serait difficile de battre les nouvelles Lancia Rally 037. Leur suprématie s’est vérifiée puisqu’elles réalisent un impressionnant quadruplé. Le but est de battre les Audi quattro et d’être premier des R5 Turbo. Malgré des problèmes de turbo, j’ai la satisfaction de pointer en leader des Renault. Hélas, suite à un trop plein d’essence effectué lors d’une assistance par les hommes de Renault Bastia, venus en aide à mes mécaniciens qui intervenaient sur mon moteur, l’essence coule. Mes mécanos s’en rendent compte mais trop tard, nous devions pointer. Je pars à l’attaque et vois sur le bord de la route des amis de chez Esso, de l’époque de la Porsche « Alméras ». Ils me font des signes d’encouragement puis se figent. Persuadé que je les impressionnais (sourire), j’en rajoute un peu pour leur faire plaisir. En vérité, nous brûlions ! Très peu de temps après, je sens une drôle d’odeur dans la voiture et constate avec stupéfaction que les flammes commencent à envahir l’habitacle. Aussitôt arrêtes, avec Michel Vial, nous avons juste le temps de sortir de l’auto en arrachant nos blousons. La voiture brûlera complètement, méttant même le feu au maquis. On nous voyait du départ et je me souviens que c’est Bruno Saby qui fit stopper les départs. Pour l’anecdote, il fut envoyé comme voiture de pompier : une Jeep avec une lance à eau !

Ce sera mon dernier Tour de Corse. J’ai toujours aimé cette épreuve, ainsi que la population de l’île. Le gagner fut une grande joie et une fierté, car à l’époque le Tour de Corse, il fallait déjà le finir. Ses routes bien spécifiques, sa longueur, sa dureté, son ambiance et ses paysages magnifiques en faisaient un monument.

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Rallye d’Antibes 1983 : une dernière (Echappement n° 30)

En 1983, le programme est sérieusement réduit par rapport à 1982, où je visais le titre de Champion du France avec mes amis de Renault Chartres. Nouvelle saison avec la R5 et un programme plus international : je ne peux pas dire que, jusque-là, elle fut totalement positive, malgré quelques coups d’éclat au Monté-Carlo, au Portugal et une victoire manquée aux 100 Pistes en raison d’une crevaison.

Après Canjuers, l’Antibes est au programme. Un très beau rallye avec de très belles spéciales dont certaines empruntées au Monté-Carlo. Cela peut paraitre étrange, mais ma première participation à cette épreuve remontait à l’année précédente, en 1982, où j’y ai acquis le titre de Champion de France grâce à ma 4ème place au général. Si l’édition 1982 fut un peu particulière avec la présence de spéciales sur terre, 1983 marque le retour au classicisme en ne comptant que des secteurs chronométrés sur goudron. Le programme est copieux, avec 520 kms contre le chronomètre, répartis en 26 épreuves spéciales. De plus, la plus grande partie se déroule pendant toute une nuit ! Mais rassurez-vous, j’avais prévu ma confiture à la myrtille ! Autant dire qu’on allait pas s’ennuyer !

La bagarre s’annonce rude, puisqu’en plus des protagonistes du Championnat de France, dont mon ami Guy Fréquelin fraîchement titré au Tour de France Auto, on a le plaisir d’avoir parmi nous quelques bons étrangers (Championnat d’Europe oblige), dont le nouveau champion, Massimo Biaison, sur sa Lancia 037, arme absolue sur l’asphalte. Bien que n’étant pas en forme (problème d’hypertension) et ayant très peu reconnu (comme de coutume), ma motivation est grande.

La première partie du rallye se déroule de jour et sur le sec. Tout de suite, je me trouve en difficulté à cause de la tenue de route, me battant avec l’auto constamment. On sait que la 5 turbo est brutale à piloter, mais là, ça ne va pas du tout. Je ne suis pas dans le match pour la gagne. Toutefois, je suis plus chanceux que deux de mes camarades de la Régie, o savoir François Chatriot et Bruno Saby. Le « chat » pilote un cheval cabré indomptable et Bruno est allé visiter la nature (si l’on peut dire dans cette région !). J’attaque tant bien que mal, mais impossible de suivre le rythme d’enfer imposé par le trio de tête, composé de Jeannot Ragnotti (R5 Turbo), Jean-Claude Andruet (Lancia Rally 037) et Bernard Béguin (BMW M1). J’ai été fortement déçu par l’attaque de Miki Biaison qui a jeté l’éponge après quelques kilomètres sans raison apparente. En fait, l’Italien est venu à Antobes pour toucher le chèque du Challenge Trident, qui réunit Costa Brava, Ypres et Antibes. J’ai trouvé cela irrespectueux vis-à-vis des organisateurs et équipages.

Après une petite halte de trois heures, on repart à l’assaut du chronomètre, via le col de Bleine. Je pointe alors à 1’30″ de Bernard Béguin, le leader. C’est là que les bouleversements vont commencer. Hé oui, dame nature décide de s’inviter à la fête ! Autant vous l’avouer tout de suite, ça va être du « swing » non improvisé, sur une piste de danse tourmentée, jonchée d’obstacles. De plus, on allume les phares, la nuit ayant pris le relais du jour. Bref, un super cocktail qui promet d’être bien corsé ! Etais-je béni par le dieu de la pluie ? Je ne peux vous le dire, mais une chose est certaine, la pêche va devenir bonne. La 5 est à ma convenance dans ces conditions, et le moral d’acier est de retour. La spécial des Quatre Chemins est sélective et nos amis journalistes en place au point stop ont intérêt à avoir des stylos qui marchent car il y a à écrire.  A la « maximum attaque », je décroche le scratch, arrivant en même temps que Bernard Béguin, en difficulté avec ses freins. Plus de freins sur la M1 sous la pluie de nuit, cela a dû être quelque chose, et mon ami Bernard pouvait avoir plusieurs serviettes pour s’essuyer le front maculé de gouttes sueur froide.

Jeannot s’est offert une valse, euh pardon, un 360° ! Jean-Claude a le même problème que Bernard Béguin. Ca sent la bonne affaire pour moi ! D’autant que la Manta 400 de Guy Fréquelin a crevé. Bref, un scénario à la Hitchcock dans lequel l’inspecteur Dominique De Meyer a sorti l’artillerie lourde avec les bonnes balles. Attention, homme dangereux qui tire à découvert pour s’offrir deux meilleurs temps. Mais rassurez-vous, je suis hors de portée. Je suis revenu sur les basques de Jean-Claude Andruet et Jeannot Ragnotti au général, étant bien décidé à aller les chercher. Fort logiquement, ce renversement de situation m’a donné la pêche et je peux vous dire que mon coéquipier, Michel Vial, avait intérêt à bien s’accrocher à la lecture des notes. Si Guy retrouve la forme dans Pont des Miolans, j’enchaîne deux nouveaux scratchs consécutifs, et notamment la Colle St-Michel, tournant du rallye. En effet, à l’issue de celle-ci, je me retrouve en tête devant Dominique De Meyer qui mène toujours une superbe enquête. Mais Jeannot et jean-Claude me dirait vous ? Un avis de recherche est lancé. Après perquisition et déclaration de témoins, la conclusion : sortie de route dans le même virage ! Digne d’un film, ce rallye, je vous dis …

Les meilleurs temps se suivent et Guy ne peut rien faire : Le « Grizzly » a beau rugir, il patine et glisse avec impuissance, surtout qu’il a mis les mauvaises chaussettes, ne disposant pas d’un modèle « pluie » ! Dans ces conditions, il a vite pris l’eau. A la surprise générale, j’occupe alors le commandement avec plus de 3′ d’avance ! Incroyable mais vrai comme aurait dit Jacques Martin … Le jour fait son apparition, l’épilogue se profile, même s’il reste encore un bon bout de chemin à faire. Sans incident, on rentre peinard à Antibes. Deuxième à 5’48″, l’ami Guy ne peut rien faire à la régulière. D’autant plus que la place du vice-champion d’Europe est au bout du capot de l’Opel ! La consigne, évidente, est qu’il reste sage. Si la tubulure d’échappement cause la perte de l’Audi quattro de Jacques Panciatici, la 3ème place se joue sur une bavure, si je peux me permettre. Suivant les bons indices de celle-ci, l’inspecteur De Meyer est victime d’une mauvaise piste qui se conclut par une sortie de route.

Les routes sèches sont au dessert, et paradoxalement, ma R5 Turbo danse à nouveau un mauvais rock n’roll. Fort heureusement, le tempo précédent est assez bon pour être à l’abri d’un retour de Guy et de sa Manta. A l’arrivée, c’est la fête ! Avec cette victoire, j’ai oublié tous mes déboires de la saison. Ca fait du bien. La joie est double puisque Guy est vice-champion d’Europe. Vous vous en doutez, on a fêté cela comme il se doit ! L’histoire fait que ce succès à Antibes est mon dernier en Championnat d’Europe mais aussi en Championnat de France 1ère division. Sans mauvais jeu de mot, je vous assure qu’il fut bien arrosé !

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Ses rallyes Monté-Carlo (Echappement n° 29)

1969 : débuts avec la « Gorde »

Avant toute chose, j’ai du me « débarrasser » de mes obligations militaires. Le problème résolu, Alpine me confia le volant d’une R8 Gordini Groupe 1 (le Groupe N de l’époque). Sur la neige, avec mon coéquipier Marcel Callewaert, j’ai pris énormément de plaisir. En plus de dominer le Groupe 1, j’ai eu la surprise d’être dans le coup au scratch, en compagnie des Berlinettes A110, Porsche 911 et autres Ford Escort TC. La satisfaction et la joie furent totales à l’arrivée, puisqu’en plus de gagner notre groupe, nous terminons 5ème au scratch entre l’Escort de Jean-François Piot et la Lancia Fulvia HF de Pat Moss. Pour une première, je ne pouvais pas rêver beaucoup mieux avec la « Gorde ».

1970 : au tour de l’Alpine A110

L’expérience (avec une 1300 S) a malheureusement tourné court. Pourtant, j’étais tout de suite dans le coup face aux Porsche. Second temps scratch dans le deuxième épreuve spéciale, un bris de transmission m’obligea à rendre mon carnet de bord dans la suivante. Edition à oublier.

1971 : triplé historique !

Cette édition est un point fort de ma carrière et aussi un moment historique pour Alpine, avec un très beau triplé. Disposant d’une 1600 S comme mes équipiers, la bagarre fut intense avec nos rivaux, notamment les Lancia et les Fiat, mais aussi entre nous. Tous les équipages Alpine étaient dans le coup pour la gagne. Puis, cela a tourné à un duel m’opposant à Ove Andersson. Au départ de la dernière nuit (la fameuse nuit du Turini), 40 » nous séparaient. Bien que disposant d’une bonne avance sur nos poursuivants directs, aucune consigne ne nous a été donnée par Jacques Cheinisse qui nous laissa carte blanche pour attaquer. La lutte avec Ove fut magique, du fait que nous n’avons jamais fait le même choix de pneus. A l’arrivée, chose extraordinaire, l’écart était toujours de 40″ ! Un fait vraiment incroyable. Partant cette année-là de Marrakech, je me vis remettre, pour ma 2ème place au général, le Trophée du Roi du Maroc en compagnie de Jean Rédélé. Un souvenir particulièrement émouvant.

1972 : la neige en arbitre

Un rallye a retenir d’avantage sur le plan anecdotique que sur le plan sportif. Les Porsche dominent et, suite à une erreur de cloutage, les Alpine ne sont pas de la fête, puisque je pointe premier de l’équipe en occupant la 7ème place au général. Puis la neige va jouer un rôle important. Au départ de la spéciale de Moulinon, Jacques Cheinisse me propose de partir sans clous. Le piège est la montée avant d’arriver à Saint-Junien-du-Goua. L’idée est d’influencer Björn Waldegard, leader avec sa 911. Et cela marche à merveille. Une visite à son assistance pour lui montrer ma monte de pneumatiques, et le tour est joué. Si ça passe, nous « claquons » un super temps. Si ça bloque, on prend une valise, mais une Porsche éliminée ! Bingo, partant n° 1, je suis dans l’incapacité de monter sur le sol enneigé et verglacé ! Frappé du n° 2, le Suédois subit le même sort ! Un a un, nos rivaux nous passent, et avec les traces qui se forment au fur et à mesure des passages, Björn et moi pouvons surmonter l’obstacle tant bien que mal. Inutile de préciser le nombre de minutes perdues, mais le but est atteint … Une Porsche en moins ! Par la suite, je décroche de très bons chronos jusqu’à mon abandon sur un parcours de liaison. Finalement, c’est le calvaire à cause d’insolubles problèmes de boîte de vitesses.

1973 : lutte pour le podium

Année historique qui marque la première du championnat du monde des rallyes pour marques. Comme mes équipiers de chez Alpine, je suis rapidement dans le coup. La bataille fait rage face à Lancia, notamment celle de Sandro Munari qui sortira finalement de la route. A l’orée du parcours final, et ce malgré une pénalité de 1’30″, je suis en lutte pour la 3ème place du podium. Nous sommes trois (Jean-Pierre Nicolas, Hannu Mikkola et moi-même) groupés en 28″. Au final suite à une touchette et à des soucis d’alternateur, je finis au 5ème rang pour 1″ devant mon ami Jean-François Piot. Toutefois, je suis tout de même heureux car Alpine réalise un très beau triplé (Jean-Claude Andruet, Ove Andersson, Jean-Pierre Nicolas).

1975 et 1976 : Alpine A310, un épisode à oublier

Deux Monté-Carl’ disputés avec la nouvelle A310 4 cylindres. A oublier, puisque j’abandonne à chaque fois. Une anecdote tout de même pour 1975 : au début du parcours commun, je suis victime d’une grosse touchette, endommageant sérieusement tout un côté de mon Alpine avec une roue arrachée. Il fait nuit ! Je ne peux que constater les dégâts. Soudain, j’entends une voie qui provient du trou longeant la route. C’était Jeannot Ragnotti qui était sorti au même endroit ! On signale alors mon arrêt et, pensant que je m’étais arrête pour porter secours à Jeannot, les officiels envoient les forces de l’ordre pour me prévenir que je pouvais revenir pour prendre un nouveau départ.Gestes et décisions très sympathiques et sportifs de la part de la direction de course. Je propose alors au gendarme de prendre l’A310 pour la ramener. Cela lui fait bien entendu très plaisir, mais lorsqu’il vit le côté tout abîmé et l’état de la roue, il comprit très vite. Bien entendu, s’en suivit un gros éclats de rires …

1979 et 1980 : avec la Golf face aux « planches à roulettes »

Après deux ans d’absence, je reviens au Monté-Carl’ avec le plus grand plaisir. Quel « pied » j’ai pris avec cette voiture pour embêter Renault et ses « planches à roulettes », les R5 Alpine. La bagarre fut sévère et la déception immense au moment d’abandonner car la victoire en Groupe 2 m’était promise. Ayant remarqué mes performances, VW Motorsport me confie en 1980 une Golf officielle. je fais équipe avec per Eklund qui m’avait appris en Suède la technique du pilotage « pied gauche », avec Stig Blomqvist. Il a dû le regretter du fait que je le tapais (rires) ! Hélas, la réussite ne fut pas au rendez-vous, devant renoncer la mort dans l’âme.

1981 : cruelle déception

Le Monté-Carlo qui me restera toujours en travers de la gorge. Après ma victoire au Tour de Corse 1980, les Frères Alméras me confient à nouveau le volant d’une Porsche 911 SC Groupe 4. C’est l’année du « conflit » entre deux générations de voitures : les conventionnelles (Ford Escort RS 1800, Lancia Stratos, Fiat 131 Abarth, Porsche 911 SC) et les « révolutionnaires » que représentent la R5 Turbo et surtout l’Audi quattro avec ses 4 roues motrices. Le challenge est de taille et passionnant. Sur la neige du parcours de classement, je ne peux lutter face à l’Audi d’Hannu Mikkola, mais j’ai la satisfaction (comme en Corse) d’être devant la R5 Turbo de Jeannot Ragnotti. Morceau de bravoure du rallye, je me porte en tête en début du parcours commun. Reconnaissons-le sportivement, bien aidé par la sortie de la quattro dans Saint-Nazaire-Le-Désert, où le Finlandais percuta un pont. Par la suite, j’arrive à creuser l’écart sur Jeannot, prenant des risques sur le choix de mes pneus qui s’avère payant. Je tiens à préciser, que cela est dû à l’excellent travail effectué par mes ouvreurs qui ne sont pas des pilotes professionnels mais des copains de chez moi. A l’entame de la nuit du Turini, je possède 3’13″d’avance sur la Renault. Malheureusement, des spectateurs imbéciles et anti-sportifs déposent de la neige dans la descente du Turini. Parti en slicks, je glisse naturellement dessus. Je touche légèrement le parapet avant de subir un contre-rebond. Toujours sur la route, j’étais heureux d’avoir passé l’obstacle. Mais en réenclenchant ma vitesse, je ne peux que constater un bruit suspect, synonyme de rupture de transmission. La voiture n’avais strictement rien, mais la malchance a voulu que la roue tape dans une borne kilométrique ! Inutile de vous décrire mon immense déception. Toutefois, une anecdote bien sympathique : peu après notre abandon, deux spectateurs sont arrivés en courant. Ceux-ci étaient dépités et prêts à faire n’importe quoi pour me voir repartir. Ayant acheté un chalet uniquement pour assister au Monté-Carlo, ils nous ont invités avec Michel Vial, mon coéquipier, à venir chez eux. Cela s’est terminé autour d’une bonne table. Croyez-moi, cela fait vraiment chaud au coeur …

1982 : podium avec la Porsche

Nouvelle participation avec les frères Alméras qui n’engagent pas moins de trois 911 SC Groupe 4 pour Bjorn Waldegard, Guy Fréquelin et moi-même. Je fus moins à la fête qu’en 1981, à cause d’une usure prononcée des pneumatiques. Cependant, j’ai eu la joie de réaliser un bon temps sratch dans Pont-des-Miolans. Une spéciale verglacée ou j’ai pris le risque de partir en slicks : cela a marché. Verglas qui a piégé pon amie Michèle Mouton dont la vision de la quattro rentrée « proprement » dans un garage me restera à jamais gravée. Au final, je monte sur la troisième marche du podium derrière Walter Röhrl (Opel Ascona 400) et Hannu Mikkola (Audi quattro).

1983 : poker menteur

Comme je vous l’ai relaté dans le n° 17 de novembre 2011, le Monté-Carlo 1983, disputé au volant de la R5 Turbo de Renault Chartres, restera un moment fort avec ce fameux temps scratch dans la Chartreuse et mon coup dans Chamrousse, où j’ai réussi à influencer Walter Rhörl sur le choix des pneus, pour un coup de poker qui a finalement raté de très peu. Malheureusement, deux spéciales suivantes, j’ai dû abandonner suite à une mauvaise réception sur une bosse … boîte de vitesse explosée.

1984 : un sacré souvenir !

Déçu par mon abandon de l’année passée, j’étais bien décidé à prendre ma revanche sur le sort, toujours avec la R5 Turbo Renault Chartres. Dès le départ, je savais que la gagne était injouable à la régulière. La neige est plus qu’omniprésente et, fort logiquement, les Audi quattro de Walter Rhörl, Stig Blomqvist et Hannu Mikkola dominent les débats. L’objectif est alors de se battre avec les Lancia 037, championnes du monde en titre, pour la place honorifique de premier des 2 roues motrices. J’étais en super forme et bien décidé à attaquer. Dès le départ, j’occupe la 4ème place au général, derrière les trois quattro. Dans la Chartreuse, je rattrape jean-Claude Andruet, parti 1 minute devant moi, le double et « l’oublie » ! Le pauvre Jean-Claude n’en est toujours pas remis (éclat de rires) ! Dans le Moulinon, je « claque » 1 minute pleine à la deuxième 2 roues motrices, en l’occurence Bruni Saby (R5 Turbo). Sans doute, beaucoup ont pensé que j’étais pressé d’arriver à La Remise pour déguster la mythique tarte aux pommes ! Dans Burzet, c’était de la folie avec la Burle ! Un Monté-Carlo d’enfer ! Un vrai, comme on dit. Par la suite, j’ai contrôle le retour des Lancia, en premier celle d’Attilio Bettega. Mais l’avance prise était trop importante pour qu’il me remonte et finalement, à l’arrivée, le sympathique pilote italien sera mon premier dauphin en  roues à près de  minutes ! Au final, je termine 4ème au général. De par les conditions de course, je ne pouvais rêver mieux comme résultat. Le contrat était rempli et il avait le goût d’une victoire.

Je ne la savais pas, bien entendu, pas encore mais le Monté-Carlo 1984 sera le dernier. La suite, vous la connaissez. J’ai occupé toutes les places du top 5 absolu, sauf la principale. N’avoir jamais remporté ce rallye est le plus grand regret de ma carrière. A l’époqie pour l’ensemble des pilotes, gagner le Monté-Carlo et le RAC, c’était plus important que d’être champion du monde !

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Critérium des Cévennes 1972 (Echappement n° 28)

Les Cévennes ! Un nom magique dans l’esprit des passionnés de rallye. Une ambiance particulière, une feria même. L’édition 1972 ne déroge pas à la règle, même si elle est malheureusement marquée par « une affaire de crevaisons » due à la bêtise et l’inconscience de certains qui ont quelque peu gâché la fête.

La plateau est de très belle qualité avec la présence de prototype (Groupe 5). En première ligne, on trouve Bernard Fiorentino sur sa CG, Guy Chasseuil au volant d’un rutilabt Coupé Ford GT 70, et encore la Jidé pilotée par Jean Ragnotti. Mais une fois n’est pas coutume, c’est Alpine qui fait la sensation. Si, entre autres, Jean-Pierre Mangazol et Pierre Orsini sont aux commandes de berlinette « classiques », je me vois confier, en compagnie de mon ami Marcek Callewaert, une A110 caisse légère (une des fameuses « grand-mères ») équipée d’un 1600 turbocompressé ! Un évènement de taille puisque c’est la première apparition en rallye d’une voiture utilisant ce type de motorisation. Avec l’aval de Jean Rédélé et de Jacques Cheinisse, avides de défis en tout genre et notamment technique, Bernard Dudot, jeune motoriste de la firme normande, tente cette aventure où l’inconnu est total. Développant 200 chevaux, ce moteur risque bien de donner du fil à retordre du fait de son temps de réponse …

La bagarre fait rage dans les Cévennes. Déchainé avec son proto CG, Bernard Fiorentino se montre redoutable, mais celui-ci va être victime de deux crevaisons. Crevaisons ? Le mot est lâché ! Malheureusement car cela gâche la fête de cet épisode cévenol. Fait naturel ? Non ! Un certain nombre de personne (anti-rallyes ? Inconscients ?Avides de spectacle imbécile et dangereux ?) n’ont pas trouvé meilleure idée que d’éparpiller des clous sur la route avant le passage des concurrents. Tous ou presque vont connaître ce désagrément une ou plusieurs fois … Par miracle, j’évite ces fameux clous ! Je me bats comme un beau diable avec ma voiture qui a plus le comportement d’un cheval en furie que d’une auto de course. Le temps de réponse est phénoménal : d’un seul coup, la puissance arrive ! Un vrai coupe de pied aux fesses … En fait, quand on accélère il n’y a rien et lorsque l’on relève, ça arrive brutalement !

Malgré tout, je me retrouve en lutte pour la victoire. Les Cévennes se disputent majoritairement de nuit, et pour se réchauffer le public fait de grand feu. Ce qui va me valoir une belle … chaleur ! Parmi les incalculables tête-à-queue réalisés, l’un reste en particulier dans ma mémoire. Dans Saint-Hippolyte, à l’issue d’un nouveau tête-à-queue, la Berlinette s’est retrouvée l’arrière près d’un feu ! J’entendrais toujours mon brave « Cécel » ma dire … « C’est bon vas-y, ça ne brule pas ! ». Réussissant à me relancer, je repars à l’attaque avant de commettre une énième figure de style qu’il est impossible de conter. Ce n’était pas du pilotage mais de la haute voltige !

La course se décante rapidement par la suite. Les têtes d’affiche sont particulièrement touchées. Bernard Fiorentino voit son moteur le lâcher (culasse cassée). Un arbre de roue provoque l’abandon de Guy Chasseuil et de sa belle Ford GT 70, alors que Jeannot Ragnotti enrage contre ces maudits clous, devant se contenter de la 7ème place finale. En revanche, chez Alpine, tout va bien : nous réalisons un carton en nous emparant des 3 premières places ! L’euphorie est à son maximum avec notre incroyable victoire au volant du proto Alpine 1600 turbo. Première sortie et premier succès : une révolution technologique est née en rallye ! L’évènement est de taille à l’arrivée., mais tout le monde se demande comment nous avons échappé aux innombrables crevaisons qui ont frappé nos rivaux. A cette question, Marcel Callewaert lance une réponse stupéfiante et étonnante … « Normal ! Nous n’avons jamais été sur la route ! ». Inutile de décrire la satisfaction du staff d’Alpine et de Bernard Dudot, le motoriste maison. On se met alors à rêver d’une poursuite de cette expérience avec l’A110. Malheureusement, cela ne restera qu’un rêve …

Il faudra attendre sept années pour voir à nouveau un moteur turbo s’imposer en rallye. Cela ne sera pas l’oeuvre de Renault mais de Saab, premier constructeur à vaincre avec cette motorisation en Championnat du monde des rallyes, grâce à la victoire de Stig Blomqvist au rallye de Suède 1979.

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Rallye de Suède 1971 : pied gauche ! (Echappement n° 27)

Jean-Luc emmenait sur tous les rallyes son inusable appareil photo Kodak Retinette. Avec l’aide de son fils Nicolas, qui retransmis ses souvenirs, il se rémmémore les reconnaissances du rallye de Suède 1971, lorsque Per Eklund lui apprit la technique du freinage « pied gauche ».

A l’époque, les organisateurs nous faisaient disputer des spéciales sur des rivières ou des lacs. Un soir nous avons dîner avec Stig Blomqvist et Per Eklund, les deux pilotes officiels Saab. Ils nous ont donné rendez-vous, le lendemain matin, pour une séance d’entraînement – d’amusement plutôt – sur le fleuve qui état totalement gelé, avec suffisamment d’épaisseur de glace pour que nous puissions rouler sans aucun risque. C’est ce jour-là, que Per Eklund m’a mis au volant de la Saab pour m’expliquer la technique de conduite du pied gauche avec une traction.

Les voitures que les Scandinaves utilisées étaient équipées de pneus très étroits. En forêt, dans la neige épaisse, le pneu descendait plus en profondeur, ce qui apportait une meilleure motricité et tenue de route. Chez Michelin, nos pneus neige étaient beaucoup plus larges. Nous avons alors compris pourquoi, plus il y avait de neige, plus ils nous en « mettaient » ! Et pensez bien que pour les années suivantes, nous avons « copié » !

Les routes n’étaient pas déneigées, aucun chasse-neige ne passait, ce qui faisait que le tracé n’était pas toujours bien visible. De ce fait, nous avions plus de difficultés pour faire nos notes et beaucoup plus de facilité pour nous retrouver hors de la route. Bien entendu, nous n’avions pas d’ouvreurs.

C’est par un redoux inhabituel que le Rallye de Suède, deuxième manche du Championnat international des rallyes pour marques, se déroule. Auréolée par son succès au Monté-Carlo, l’équipe Alpine aligne deux 1600S, pour Ove Andersson, vainqueur en Principauté, et Jean-Luc Thérier. Celui-ci est navigué par Claude Roure, Marcel Callewaert assistant Jacques Cheinisse dans l’organisation de l’équipe. La concurrence est rude, avec les Porsche de Bjorn Waldegard et Ake Andersson, la Lancia Fulvia de Kallstrom, la Ford Escort RS de Timo Makinene, seul finlandais au départ, le Spider Fiat d’Alcide Paganelli, les Saab de Stig Blomqvist, Per Eklund, Tom Trana et Carl Orrenius, sans oublier un bataillon d’Opel Kadett (Ove Eriksson, Jan Henriksson, Gunnar Blomqvist, Anders Kullang …etc…). Desservies par leurs pneus Dunlop, les Porsche seront vite écartées de la lutte en tête, au profit de Stig Blomqvist qui exploite parfaitement les aptitudes de sa Saab Groupe 2 sur ce terrain aux conditions très changeantes. Du côté des Alpine, on déchante vite : Jean-Luc sort dans l’ES5 après une rencontre avec un poteau forestier. Le temps de trouver des spectateurs pour sortir la berlinette de la neige, le délai de mise hors course est atteint … Andersson, de son côté, abandonnera un peu plus loin, moteur cassé, consécutivement à une fuite d’huile. Blomqvist décrochera sa première victoire dans l’épreuve, devant le surprenant Lars Nystrom et sa BMW 2002 Groupe 2 engagée par la filiale suédoise, qui devance Harry Kallstrom et sa Flivia HF. Deux ans plus tard, ce sera au tour de Jean-Luc de monter sur la troisième marche du podium … derrière ces diables de Blomqvit et Eklund !

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Extrait du livre « Les Grands du Rallye – Tome 2″ – PAC éditions – Pierre Pagani – 2009

Qu’elle était drôle ma Normandie

20180619_105024On m’avait dit : « tu vas chez Thérier ? Fais attention, c’est une traquenard : avec lui, c’est la cuite à coup sûr … » Mais ce jour là, à Neufchâtel, Jean-Luc n’avait nulle envie de rigoler : son copain Popot s’était viré dans la nuit, droit dans un arbre au détour d’une méchante petite route normande. « Il est à l’hosto, le Popot. Comme moi, il y a quelques mois quand je suis entré dans un troupeau de vaches ! »

Et Thérier est allé voir la grand-mère à Popot pour la réconforter. Pour attrister Jean-Luc Thérier, pourtant, il faut se lever tôt. Jean-Luc a toujours le bon côté des choses … côté qui n’est pas forcément le bon pour tout le monde d’ailleurs. Ainsi un jour, au Nurburgring …

« J’étais en plein brouillard. A un moment, je double un schleu en Porsche. Mais, impossible de la lâcher : il profitait de mes feux rouges ! En plus, il n’avait pas baissé ses phares qui, en se réfléchissant dans mon rétro, m’éblouissait. Je me crevais les yeux à tenter de voir quelque chose et lui, pénard, il suivait mes feux rouges ! Alors, j’en ai eu marre. Je suis allé progressivement vers la gauche du circuit et lorsque j’ai senti que je frôlais le rail de sécurité, j’ai mis mon clignotant à droite, comme si je me rangeais pour m’arrêter, et j’ai ralenti. Le schleu s’est jeté tête baissée dans le piège : il a voulu me doubler et baoum, dans le rail ! ».

« J’ai même rencontré Ronnie Peterson, lorsqu’il faisait du kart. Pendant quatre ans, j’ai couru ainsi presque tous les dimanches. Le kart m’a donné le sens de l’attaque, des freinages tardifs et du dérapage, toutes choses très utiles en rallye … Puis j’ai eu l’âge pour le permis. Mon père n’était pas riche, mais comme il est sympa, il m’a acheté une 2CV. Une vieille bien sûr, mais elle avait un moteur d’Ami 6 ! Puis, comme il a trouvé que je roulais vraiment trop vite, pour me calmer, il m’a donné une 3CV … break ! Enfin, j’ai eu une Panhard 24CT. »

Coupe Gordini

« La Renault 8 Gordini a été présenté au Salon de Paris 1965, juste pour mes vingt ans ! Le cadeau d’anniversaire idéal, d’autant que j’avais lu dans un canard qu’une Coupe Gordini allait être organisée pour la première fois en 1966. j’ai touché ma Gordini en décembre. Heureusement, je venais d’avoir mon brevet d’électricien, car les études passaient très au troisième plan, après l’automobile et … les dominos !. ma première course avec la Gogo fut le rallye des Lions, début 1966. J’ai fini sixième et premier des « aspirants » (en 1966, on appelait les aspirants ceux qui en étaient à leur première année de course). La copupe je l’ai prise en marche. J’ai commencé à Reims seulement. Les autres avaient déjà quatre ou cing courses derrière eux. Andruet a gagné, j’ai fini dixième. Ça m’avait enthousiasmé ».

Par la suite, Jean-Claude Andruet qui était sans aucun doute le plus rapide de tous, fut disqualifié et les adversaires les plus coriaces de Jean-Luc furent Denis Dayan, Jimmy Mieusset, Bernard Lagier, Jean-Pierre Jabouille et Bernard Fiorentino. A Rouen, Thérier finit second derrière Dayan et à nouveau second à Magny-Cours après une bagarre très sévère avec Michel Hommell (l’actuel directeur de la revue « Echappement »). A Montlhéry, on se bat comme des chiffonniers entre quatre méchants loups : Dayan, Marchesi, Lagier et Thérier dont les généreux dérapages, déjà célèbres, font la joie d’un public qui serait bien plus étonné encore, s’il savait qu’à l’intérieur de la Gordini de Jean-Luc, la radio marche en grand pendant la course !. La finale de la Coupe Gordini 1966 sur le circuit Bugatti au Mars sera remportée par Denis Dayan, devant Mieusset, Thérier et Fiorentino.

La cuite à Popot

Durant l’automne, Jean-Luc participe à quelques rallyes dans l’Ouest : Côte fleurie, Flandres-Hainault, Val de Loire (5ème), aux courses de côtes de Belbeuf, des Andelys … Presque à chaque coup, il gagne sa classe devant les autres Gordini, ce qui n’est pas une mince affaire, surtout lorsque les deux autres as normands, Bourdon et Dayan sont là !

« Au rallye Jeanne d’Arc, j’étais avec Polux, le copain qui s’est viré cette nuit. Il avait pris une telle cuite qu’il ne s’était rendu compte de  rien. Nous avons fait plusieurs épreuves spéciales (et trois fois le temps scratch) sans qu’il s’aperçoive de rien ! Avant le circuit de Rouen, nous étions largement en tête, mais aux Essarts, rien à faire contre la Ferrari de Denis Gillet : nous avons dû nous contenter de la seconde place au général. Nous gagnions tout de même en catégorie « tourisme ». Lorsque j’ai revendu ma Gogo 1100 pour acheter une 1300, elle avait 78.000 kilomètres et je n’avais jamais rien fait dessus, pas même changé l’embrayage !. La 1300 qui l’a remplacée pour 1967 me fut moins fidèle. J’ai voulu refaire la Coupe. Mais ça n’a pas marché : trois courses, trois abandons. La poisse ! Alors j’ai laissé tomber la Coupe et je me suis retrouné vers les rallyes du coin … »

De la Corse au Mans

Après une belle quatrième place à l’Ouest, il remporte sa première victoire au rallye Jeanne d’Arc. Cette fois, Gillet a cassé et l’ami « Nus » est loin derrière ! A la fin de cette saison assez creuse, Jean-Luc ayant prêté main, forte au garage de son père, victime d’un infarctus, sort la première fois de sa chère Normandie et s’attaque, navigué par l’excellent Christian Coeuille, au Tour de Corse.

Hélas, les pneus V10 neufs ne résistent pas à la conjugaison des petites routes de corses et du style acrobatique de Jean-Luc. Malgré la pluie, ils tiennent soixante kilomètres, pas un de plus, or, le rallye en compte plus de mille ! Jean-Luc a beau acquérir deux vieux michelin dans un village, il n’ira pas au bout. Roulant sur des pneus transformés en véritables savonnettes, il ne peut éviter un petit pont. Dommage, car il était en tête de groupe 1, la 1300 venant juste d’être homologuée à 5.000 unités (le groupe 1 : voiture 4 places, de série, produites à 5.000 exemplaires au moins par an).

Durant cette saison 1967, Jean-Luc a également participé pour la première fois au 24h du Mans. Il avait en effet été sélectionné pour le Trophée Chinetti auquel tous les cracks de la Coupe Gordini et notamment Dayan, Mieusset et Lagier postulaient. Les deux meilleurs temps furent réalisés par Jean-Luc Thérier et François Chevallier qui se partagèrent donc le volant d’une Alpine 1000 aux 24 heures. A la vingt-deuxième heure, ils étaient en tête de l’indice de performance lorqu’un joint de culasse claqua. Thérier ne s’en revint pourtant pas brdouille à Neufchâtel, puisqu’Alpine lui promit un volant au Mans pour l’année suivante, ce qui lui permettra de remporter, associé à Bernard Tramont, l’indice énergétique, aux 24 Heures du Mans 1968.

Jean-Luc a vingt-trois ans en 1968. Après quelques années de karting, il a donc débuté en Gordini où ses apparitions spectaculaires dans le cadre de la Coupe, ajoutées à quelques belles peeformance (dont une victoire) en rallye, commencent à lui valoir une certaine réputation. Mais pour le moment, il court toujours à ses frais, sur des Gordini préparées par son père.

L’exploit de Charbonnières

C’est au rallye de Lyon-Charbonnières 1968 que la Régie confie pour la première fois une voiture à Thérier, Jean-Pierre Nicolas étant parti faire le rallye des Fleurs en Italie. Au départ de l’épreuve spéciale de la Croix du Bar, Jacques Cheinisse, directeur sportif d’Alpine, lui demande : « on te mets les hakkapellita ? – des « hakka » quoi ? » demande Thérier ? « qu’est-ce que c’est que cette bête là ? – des pneus à clous ! – bon, mettez toujours, on verra bien »

On a vu : Jean-luc avec sa R8 Gordini groupe 1 réalise le temps scratch. Il relègue l’Alpine 1600 d’Andruet à 37 secondes. Tous les autres sont à plus d’une minute ! Au cours du tronçon chronométré suivant, le Riotord, J’ean-Luc réalise à nouveau le meilleur temps, cette fois devant Larousse … Il gagnera aisément le groupe 1, finissant quatrième au scratch, battu seulement par Andruet, Chasseuil et Maublanc. A un journaliste qui lui demande ses impressions, Jean-Luc explique alors : « j’adore les épingles. Avec la Gogo, un coupe de frein à main et ça passe. Quand j’arrive sur l’épingle, si personne ne bouge, c’est que je ne vais pas très vite. Si les gens se reculent un peu, c’est que àa va bien. Si je n’aperçois plus personne, c’est qu’il est trop tard pour freiner ! »

Malheureusement, sa superbe performance de Charbonnières ne débouche encore sur rien de concret et Jean-Luc revend sa Gordini personnelle pour acheter une … Alpine. « J’aurais bien refait la Coupe Gordini, mais j’étais fauché et mon père, convalescent, ne pouvait m’aider. »

Intermède difficile en Alpine …

C’est au rallye de l’Ouest qu’il conduit son Alpine pour la première fois. Il est en tête devant le Bordelais Jean Egretaud, lorsqu’à la fin de la dernière épreuve spéciale, il sort de la route. Ses deux autres rallyes en Alpine se termineront de la même façon : à Elbeuf, par deux tonneaux dans le premier virage de la première épreuve spéciale (!) et au rallye de Rouen où il sort à trois reprises, mais termine néanmoins second derrière la révélation du jour, un certain Bernard Darniche …

« J’avais du mal à m’adapter à l’Alpine, explique Jean-Luc, j’attaquais trop et je sortais. Pour m’habituer, j’ai fait quelques courses de côtes : Beaujolais, Riom, Mont-Dore. »

… et retour à la Gordini

Au Critérium des Cévennes, en novembre, la Régie lui confie pour la seconde fois une Gordini groupe 1. La partie n’est pas facile. Jean-Claude Lefebvre et Jean-Claude Sola livrent une lutte acharnée à Jean-Luc. Au volant de leur Gordini, ils sont aussi déterminées et talentueux que Thérier : pas tout à fait cependant car, seconde après seconde, Jean-Luc finit pas leur arracher la victoire !

On lui a confié deux fois une voiture, deux fois il a gagné son groupe. Sensible à l’argument, la Régie confie à nouveau une Gordini à Thérier pour le Tour de Corse … Cette fois, Jean-Luc peut user tous les pneus qu’il veut et il ne s’en prive pas. Tout va bien, très bien même. Aux quatre cinquièmes de l’épreuve, alors qu’il ne reste plus qu’à contourner le cap corse pour rentrer sur Bastia, Jean-Luc est en tête du groupe 1 et troisième du général devant la Capri spéciale de Piot. Sentant la victoire proche, Dumont, son navigateur, chante à tue-tête la Marseillaise. Soudain sa voix se brise … en même temps que le couple conique de la Gordini. Mais Jean-Luc a la bonne humeur tenace : « on s’est tout de même bien amusés » déclare-t-il, en rangeant se voiture blessée au bord de la petite route corse.

En décembre 1968, Larousse et Piot quittent Alpine, l’un pour Porsche, l’autre pour Ford. Il ne reste que Vinatier, Andruet et Nicolas. Aussi la Régie se tourne-t-elle à nouveau vers le Normand lorsqu’il s’agit de confier une Gordini en groupe 1 pour Monté-Carlo. Jean-Luc, qui a pour co-pilote, l’ex-équipier de Gérard Larousse, Marcel Callewaert, va dépasser toutes les espérances de la Régie. En effet, après ses succès à Charbonnières et aux Cévennes, il était permis de croire à une victoire en groupe 1, mais là à finir cinquième au scratch …

« Ça va, lui demande-t-on à l’arrivée ? – Ça va, répond-il, mais qu’est-ce qu’on s’est fait comme chaleur !

Après ce coup d’éclat, Alpine lui propose un contrat de trois ans. En février, Jean-Luc touche pour la première fois son salaire de pilote professionnel : 1.150 F. Pas mirobolant, mais maintenant, on le paye pour courir et il est bien content. Durant l’année 1969, il court avec Marcel Callewaert (Cecel) qui est aujourd’hui … responsable de l’assistance. L’équipage Thérier-Callewaert n’engendre pas de la mélancolie. Et les victoires continuent. La victoire la plus difficile de cette saison 1969 reste celle du rallye de Lorraine, face à Francis Roussely, un Nancéen très rapide, au volant d’une Gordini également.

« Roussely allait incroyablement vote : impossible de le décoller. Un coup je le tapais, un coup c’était lui. Nous étions toujours à 2 ou 3 secondes l’un de l’autre. J’ai fini par le battre, mais de justesse : 10 secondes exactement ! Ça a recommencé à la Ronde Cévenole. Cette fois, c’est Jean-Claude Solz qui m’a talonné avec une NSU 1200. Il marchait comme un avion. Je l’ai battu de peu. »

Premier succès en Alpine

Ce que Jean ne précise pas, c’est qu’il ne reconnait pratiquement pas. Il passe une fois sur chaque spéciale, c’est tout. C’est un handicap face aux pilotes régionaux les plus doués qui connaissent généralement les spéciales de leur région comme leur poche ! Jean-Luc, lui, préfère improviser : il est tellement doué pour ce jeu. Et puis les reconnaissances, c’est fastidieux, ça ne vaut pas une bonne partie de dominos !

Monté-Carlo, Neige et Glace, Lorraine, Ronde Cévenole : quatre victoires en groupe 1 sur Gordini, auxquelles s’ajoute le premier succès de Thérier sur une Alpine, en décembre, après une Coupe des Alpes difficile (15ème) et un Tour de Corse manqué (« je n’avançais pas »), au rallye Nurburgring – SaintAmand-les-Eaux. « En fait, au début de l’année, j’étais passé très près de la victoire en Alpine au rallye de l’Ouest. Finalement, Ballot Léna sur Porsche m’avait battu pour deux petits centièmes de seconde ! ».

Quelques pas en monoplace

Jean-Luc a fait une très belle saison 1969. Il a même fait quelques pas en monoplace …

« Je reconnaissais le rallye du Maroc lorsque Jacques Cheinisse m’a télégraphié de revenir d’urgence. Il fallait que je participe à la course de Formule Renault à Montlhéry, pour une histoire de points en Championnat. C’est au cours de la séance d’essais que je suis monté pour la première fois de ma vie dans une monoplace. J’étais un peu dépaysé. Ça me changeait de la Gordini. D’autant qu’il s’agissait de la voiture de Alain Serpaggi, beaucoup plus frêle que moi et que je ne parvenais pas à rentrer dans mon siège ! J’ai quand même fait le sixième temps des essais. Mais au premier tour de course, je suis sorti. J’ai recouru, sans plus de succès à Dijon, puis l’occasion ne s’est plus présentée. Dommage, car j’aurais bien continué. »

Toujours en 1969, Jean-Luc a piloté une des Apline 3 litres aux 24 Heures du mans avec Nicolas. A la surprise générale, les deux « jeunes » avaient réalisé les deux meilleurs temps des essais malgré Patrick Depailler, André De Cortanze, Henri Grandsire, Jean Vinatier, Jean-Claude Andruet, Jean-Pierre Jabouille … Ils sont en huitième position lorsque le moteur se met à chauffer et les contraint à l’abandon.

Titre européen manqué

Monté-Carlo 1970 démarre mal pour Alpine : Vinatier sort de la route, Andruet oublie un contrôle et Thérier casse un cardan. Seul Nicolas finira. Jean-Luc pilote maintenant des Alpine : la R8 Gordini a vécu, la R12 Gordini n’est pas encore compétitive. A Neige et Glace, il affronte une épreuve spéciale verglacée avec des pneus racing : la victoire reviendra à l’Alpine privée d’un amateur, Claude Swietlik !

« Puis j’ai fait les rallyes du championnat d’Europe. J’ai gagné le rallye d’Itlaie devant Kallstrom, Vinatier, Trana et Lindbergh. Ce fu très dur, d’autant que, idiotement, je n’avais rien mangé depuis le départ. A l’arrivée, je suis tombé raide, évanoui d’épuisement. Après le Maroc en R12 Gordini où j’ai cassé ma direction, j’ai gagné l’Acropole en Grèce, si bien qu’Alpine s’est retrouvé fort bien placé au championnat d’Europe. Nous sommes donc allés au R.A.C. en Angleterre, le rallye considéré comme le plus dur, avec ses 90 épreuves spéciales sur la terre et son parcours secret. Ça marchait du feu de Dieu, j’étais troisième et cela suffisait pour décrocher le titre européen. Hélas, dans la 82ème spéciale, je me suis embourbé ! Le championnat est revenu à Porsche ! En 1970, j’avais aussi participé au Tour de France sur la berlinette de mon copain Nus. Nicolas avait celle de Vial. Dans les spéciales, il nous tapait : Nus ne pouvait pas lire les notes. En circuits, nous étions devant. Le moteur a fini par exploser à Dijon. »

Une mauvaise passe

A Monté-Carlo 1971, Jean-Luc fait partie de la glorieuse triplette Alpine : Andersson – Thérier – Andruet.

« J’espérais bien taper le Owe. Dans la dernière spéciale, le col de la Madone de Gorbio, j’ai attaqué comme jamais, le couteau entre les dents. Ça marchait très fort et à l’arrivée, je me suis dit : « ce coup-ci, c’est dans la poche, cet indien d’Andersson a dû prendre la valise ». Las, le Owe est allé encore plus vite ! Bref, il était le premier et moi, j’étais second. Les autres épreuves ne m’ont guère porté chance. Je suis sorti en Suède et ailleurs j’ai cassé. Sauf au Marathon de la route où je partage une victoire avec Nusbaumer et Jacques Henry et à la Ronde Cévenole où j’ai fini second derrière Fiorentino. »

« A Monté-Carlo, en 1972, il y a eu l’histoire des pneus, le coup de poker raté. On n’était pas certains que la tempête annoncée avait commencé, là-haut, au Col de la Cayolle. Le ciel était bien blanc, mais il se retiendrait bien encore quelques minutes … alors on a risqué le coup et je suis parti en racing. Je me rends doucement au départ de la spéciale. Me voyant ainsi chaussé, le Waldegaard qui avait déjà monté les pneus à clous retourne à son assistance et fait mettre des racing sur sa Porsche. Hélas, le Moulinon était tout enneigé ! Tous les concurrents m’ont doublé, un par un, je patinais désespérément. C’était fini pour moi. Mais j’ai quand même ri en imaginant la tête qu’à dû faire l’autre indien de Waldegaard en découvrant son erreur ! »

1972 reste pas plus que 1971 une grande année pour Thérier. Il enlève néanmoins le rallye de l’Ouest, le rallye infernal et, en fin de saison, le Critérium des Cévennes au volant d’une Alpine à compresseur très difficile à piloter. Il a aussi pris la tête du rallye d’Italie. Mais on gardera en mémoire le spectacle inouï qu’il a fait par ses fantastiques glissades, durant tout le Tour de France Auto où, hélas, une bielle devait le trahir à Rouen.

L’avenir …

« Mon grand espoir, c’est 1973 : le championnat du monde des rallyes. Ça doit faire un beau titre dans un palmarès !. En attendant, je suis très heureux chez Alpine. J’ai bien eu une proposition très alléchante de Saab, mais j’ai répondu non. En revanche, Alpine s’est engagé à renouveler mon contrat pour 3 ans. Je suis donc pénard jusqu’en 1975. De toutes façons, je ne suis pas le gars à me faire du souci pour les contrats. Je prends ce que la vie me donne et ça me suffit bien. Pourquoi se compliquer l’existence à chercher des trucs impossibles, toujours pendu au téléphone ? Ma vie me plaît. Je suis tranquille dans ma campagne où mes potes viennent souvent, u as vu ma baraque ? Ce n’est pas la place qui manque et j’ai fait une cheminée pour le méchoui. On n’entend que le vent et les oiseaux dehors. »

« Malheureusement, comme j’habite près de Dieppe où est l’usine Alpine, il ne se passe pas deux jours sans que je doive aller faire des essais là-bas. Si un jour on me disaity d’arrêter, je ne serais pas malheureux. Professionnel : j’en ai rien à foutre. Je continuerais à courir en indépendant, pour le plaisir, avec mes potes. Je m’occuperais encore plus de notre écurie, une écurie qui marche fort. Les petits gars d’ici, je les suis de près, je les conseille et s’ils n’écoutent pas, je les engueule comme il faut. Il y en a quelques uns qui marchent comme des vedettes. Tu verras le « De Saint Pierre », un avion ! ».

« Pour les autorisations, c’est du gâteau : notre président, c’est Christian Ferrant, le sénateur. Et parmi les membres nous avons Boyer, le capitaine de Gendarmerie, Boly, l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées, Windal, Butel, Trouiller, tous des huiles, mais des mecs super-sympathiques. Notre course de côte de Neufchâtel marche très fort : en 71, nous avons fait huit mille entrées payantes, tu te rends compte ? Avec le bénéfice, l’écurie peut aider les petits gars qui marchent !. Je pense organiser un auto-cross aussi, j’ai déjà trouvé le terrain, c’est à un pote.  Oh je ne m’embêterai jamais. Car en plus, j’adore vendre, je suis un super-vendeur. »

Ainsi parlait l’intarissable Thérier, l’égal des Blomqvist, des Munari ou des Andersson, un matin à Bully, dans une petite baraque de Normandie.

Dans :
Par alpinea310montecarlo1975jeanluctherier
Le 20 mars 2013
A 21 h 25 min
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